Une mère adolescente

La situation

Karin a 16 ans quand elle apprend à sa mère Henriette qu'elle est enceinte de 21 semaines.
Les relations entre la mère et la fille ne sont déjà pas très bonnes et après cette annonce la situation à la maison devient intenable.
Henriette demande de l'aide, Karin est accueillie pendant 6 semaines ce qui permet à Henriette de souffler.

Une conférence familiale est organisée afin de faire un plan d'action pour Karin, son copain et le bébé.

Le témoignage d'Henriette

« Pendant les 6 semaines d'accueil, Karin répétait tout le temps qu'elle voulait donner son bébé mais je pense que c'était de ma faute parce que je lui avais tout de suite dit que je ne pourrais pas élever cet enfant.

C'était, et c'est toujours, une décision très difficile. J'ai pleuré pendant des nuits entières et encore maintenant que le bébé a 2 mois et demi, c'est toujours difficile. C'est tellement contre nature. J'ai travaillé pendant des années dans des crèches et je sais combien les parents et la stabilité sont importants. »

Comment ça s'est passé ?

« Tout a du être organisé très vite car le bébé pouvait arriver à tout moment.

Au premier rendez-vous avec le coordinateur chez nous, 8 personnes étaient présentes. Il me semblait judicieux que tout le monde reçoive l'information correcte, juste. Ensuite, j'ai appelé d'autres personnes qui ont toutes voulues coopérer. Il n'y en a eu qu'une seule qui voulait venir mais qui avait un empêchement. J'ai transmis les noms au coordinateur et il a fait les invitations. Il m'a demandé si je pouvais trouver une salle.

La conférence eut lieu un samedi après-midi. Le bébé était né le mardi d'avant. »

Où était le bébé à ce moment là ?

« Lors des entretiens avec l'assistant social il est devenu clair que, finalement, Karin et son copain voulaient garder le bébé. Une famille d'accueil a été trouvée, 2 quinquagénaires qui avaient déjà une expérience dans ce genre de situation. Le bébé y est allé juste après sa naissance. »

Quel plan d'action avez-vous élaboré ?

« Le but était que Karin et son copain vivent ensemble avec le bébé et qu'ils aient les capacités d'être responsable et d'en prendre soin.

Karin passant son bac cette année, il a été décidé que cela se mette en place après le bac.

Lors de la conférence nous avons mis au point une organisation pour que Karine soit accompagnée tous les mercredis dans la famille d'accueil. Entre temps elle peut y aller seule avec les transports commun.

Ma meilleure amie est devenue le coach de Karine. Tous les quinze jours, elles parlent des façons de gérer les conflits, la communication et aussi de gérer les taches ménagères, le vestimentaire…. Ce sont toutes les choses que Karin ne maîtrise pas encore mais qui sont nécessaires quand on élève un enfant. Si moi j'avais discuté de ces choses là avec elle, nous nous serions disputées. Elle n'accepte rien de ma part.

La mère du copain de Karin leur apprend à gérer l'argent. Tous les mercredis et un samedi sur deux, Karin qui vit de nouveau à la maison va voir la famille d'accueil. L'autre samedi, le bébé vient chez nous.

La famille d'accueil est ouverte pour lui apprendre les gestes quotidiens de façon ludique, sans lourdeur.
Heureusement le bébé peut rester dans cette famille jusqu'à ce qu'il puisse être accueilli par ses parents.

Ce qui a été également décidé dans le plan d'action, c'est que nous avons stipulé que le tuteur familial soit le même pendant toute la période nécessaire. Je connais trop d'histoires de tuteur qui change et ça je ne le veux pas. »

Est-ce que la conférence a eu une plus value pour vous ?

« Certainement ! La conférence a enlevé un grand poids de mes épaules. Nous avons reçu le soutien de notre entourage. Maintenant, il y a des gens qu'on peut appeler si quelque chose ne se passe pas bien. Ce n'aurait pas été possible sans conférence.

Nous avons décidé d'organiser nous-mêmes une deuxième réunion. On discutera de comment c'est passé le début et où nous en sommes sur certains points. Nous pourrons adapter certaines choses et voir ce qu'il y a besoin de faire de plus pour booster ces jeunes. Si on n'organisait pas cette réunion, ça s'enliserait. Là, tout le monde reste impliqué.

Lors de la conférence, à chaque fois revenait ce que Karin voulait elle-même. C'est important parce qu'au final, il s'agit de leur avenir. Les personnes présentes donnaient des directions en affirmant de ce qui était possible ou pas. Outre la force de son propre cercle, je vois un tout autre aspect. Je me rends compte qu'une conférence familiale épargne des frais. Je voyais déjà le scénario : elle, avec son enfant, des dettes, des mauvais soins, l'intervention de la protection de l'enfance, un placement. Fais les comptes. J'en ai trop vu dans mon travail. »

Bien que la situation reste très difficile pour moi, grâce à la conférence je peux tout simplement être grand-mère. Les gens se demandent pourquoi le bébé est en famille d'accueil et je dois leur donner des explications. De l'extérieur je dois faire bonne figure mais tout ça fait tellement mal, c'est difficile pour moi de ne pas culpabiliser de ne pas avoir pris en charge cet enfant. Mais les gens qui me connaissent bien me disent que c'est une sage décision et ça me réconforte.

Ce récit est extrait du livre "101 verhalen" : "101 histoires"
publié au Pays-Bas par Eigen-kracht Centrale en 2010.